"Amandine Joannès pourrait sans doute parler de sa pratique photographique comme d’un acte boulimique, elle qui accumule et collecte les images, dérobées discrètement dans l’espace public. De l’enfance et de ses inquiétudes, elle cherche à rendre compte par le biais de photographies que l’on aurait pour la plupart peine à rattacher à une période précise : les marqueurs temporels s’estompent, le grain des surfaces transforme les visages et les corps en statues que l’usage du noir et blanc vient magnifier. Elle recherche autant la grâce que la gravité des attitudes, préférant l’enfance des pensées magiques et des obsessions mortifères à un imaginaire complaisant face à la prétendue innocence infantile. Ses cadrages sont précis, rapprochés et presque scopophiles, ou viennent opérer des coupes qui sont autant d’incises visant à manifester une catastrophe que l’on devine imminente. Bien maladroit qui voudrait y voir de la nostalgie là où la photographie est avant tout utilisée pour son caractère révélateur ; on ne s’étonnera pas d’apprendre qu’Amandine Joannès travaille uniquement à l’argentique, qui rend avec velouté certains détails d’importance : cheveux flottant au vent, rugosité d’une sculpture rongée par le vent, plissés des jupes ou de draps qui recouvrent un fantôme bienveillant. Car tout est fait pour que ses images, qu’accompagnent parfois des textes auxquels elle accorde la même importance sémantique, saisissent. Et hantent."
TEXTE : CAMILLE PAULHAN
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